Avouons-le : nous ne les avions pas vraiment vus venir, ce Dow Jones à 20 000 points, ces nouveaux records absolus de Wall Street.
Nous étions trop préoccupés par le regain de tension sur les T-Bonds US (au-delà des 2,5%), sur les taux européens et par la succession d’annonces allant de « modérément » à « carrément » provocantes de Donald Trump au cours des dernières 72H.
Mais c’est un triple record pour le S&P500 en séance (2.295Pts), pour le Nasdaq (5.645Pts)… et pour celui que vous attendiez tous depuis le 13 décembre dernier : le Dow Jones qui clôture à 20.060Pts (plus-haut à 20.080 en séance). Et, fait rarissime : le Dow Jones a ouvert sur un gap haussier mercredi matin.
Ce sont bien les trois premiers records de l’ère Trump, mais rajoutons-en un quatrième : celui du VIX, l’indice de la peur, retombé à 10,8, son deuxième plus-bas historique après les 9,87 enregistrés début 2007. On connait l’évolution des indices qui a suivi en 2007 et 2008…
Hier, nous lancions évidemment un signal d’alarme, voyant la tension sur les taux obligataires face à ces records.
Nous pouvons concevoir que Wall Street ait fait l’impasse sur le recul des reventes de logements anciens (-2,8% annualisé à 5,49 millions d’unités). Mais comment les investisseurs font-ils pour ignorer le danger que fait peser sur le commerce mondial les menaces protectionnistes de Trump, lequel entend multiplier les barrières douanières ?
Protectionnime américain…
Cela pouvait passer pour une promesse de campagne démagogique mais non ! Il durcit le ton : « une voiture vendue aux Etats-Unis devrait être fabriquée aux Etats Unis ».
Bentley (AX:BEL), Aston Martin et Ferrari (NYSE:RACE) continueront d’en vendre moyennant plus de taxes – les ultra-riches ont les moyens de les payer – mais Peugeot (PA:PEUP), Renault (PA:RENA), peuvent faire une croix sur le marché américain.
Dans ce même registre, le nouveau Président a tenu parole avec la sortie annoncée du TPP et la renégociation de l’ALENA (qui inclut Canada et Mexique) puis la promesse de la multiplication de taxes à l’importation.
Et que penser de la suppression de la version espagnole du site internet de la Maison Blanche ? A quand un avertissement du style « Interdit aux chiens, aux Mexicains, aux cubains et à tous les latinos » ?
La guerre est également déclarée contre les écologistes avec la réactivation des projets de pipelines controversés (Keystone-XL et Dakota Access) suspendus l’automne dernier par Barack Obama ? Mes Amérindiens refusent obstinément le passage des pipelines sur leurs terres sacrées, même contre le versement d’une généreuse redevance. Mais qu’ont-elles de si sacré ? Elles ressemblent aux autres terres ingrates et battues par le vent mauvais du Nord-ouest… comme deux gouttes de mazout. A part qu’elles sont juste situées sur le chemin tracé par les majors pétroliers, entre les gisements de sables bitumineux de l’Alberta et les raffineries du middle-west.
… et provocation de la Chine
Et Wall Street ne prête même plus d’attention à ses avertissements réitérés à l’encontre de la Chine : « pourquoi devrais-je adhérer au concept d’une Chine unique ? ». Regardez ce que Jim Rickards, notre analyste géopolitique et expert en guerre des devises explique depuis plusieurs mois à ses lecteurs :
« Peu de temps après son élection, Trump a reçu un appel téléphonique du président de Taiwan, pour le féliciter. Cela peut apparaître comme une simple courtoisie, mais pas du point de vue de la Chine communiste.Pékin considère Taiwan comme une « province dissidente » ; pas comme un autre pays. Si les hommes politiques américains ont habituellement recours à la langue de bois, sur cette question, ce n’est pas le cas de Trump. Il s’est non seulement entretenu avec le président de Taiwan mais il a également remis en question la politique américaine « d’une seule Chine », sur Twitter – ce qui voudrait dire qu’il serait prêt à reconnaitre deux chine : la république de Chine et TaïwanLa démarche de Trump a fait retentir la sonnette d’alarme à Pékin. Les dirigeants communistes ont décidé d’envoyer un message à Trump en subtilisant l’un des drones sous-marins de la Marine américaine, opérant au large des Philippines, loin des eaux contestées, en Mer de Chine méridionale, revendiquées par les Chinois. Le drone sous-marin a été restitué plus tard, (après que Trump ait tweeté que les Chinois devraient « le garder »), mais on a bien compris. Les tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis s’intensifient sans nul doute.Trump avance donc la conception de Chine unique comme moyen de pression pour forcer les Chinois à faire des concessions sur le commerce, les tarifs douaniers et les devises. Mais la question de Taiwan est totalement non négociable du point de vue de la Chine. Les Chinois pourraient aussi demander à Washington si la Californie peut accéder à l’indépendance. La Californie fait partie des États-Unis et Taiwan fait partie de la Chine en ce qui concerne les Chinois. Affaire classée. Il n’y a rien à négocier.Avec ce décalage entre ce que Trump exige et ce que les Chinois peuvent offrir, le ton est donné pour une montée des tensions, des malentendus et une escalade vers… un conflit ? »
C’est une ligne rouge diplomatique majeure que Trump est en train de franchir. La fouler au pied, comme Donald Trump le fait avec le rétablissement d’un dialogue bilatéral direct avec Taïwan, équivaut à une déclaration de guerre envers Pékin. Et pas seulement une guerre commerciale.
Comment égaler Wall Street
Mais pour Wall Street, le message est clair, confirmé par un VIX au plancher de tous les planchers : tout va bien se passer.
La reprise du rallye haussier vous étonne ? Vous ne devriez pas.
Vous pourriez évidemment prendre en compte les bons résultats du quatrième trimestre 2016 (en fait, ils sont au mieux « corrects ») et les extrapoler sur les 10 prochaines années. Mais si effectuer ce genre de calculs vous donne un mal de crâne, faites comme les zinzins, allez au plus simple et répétez avec moi : « il n’y a pas d’alternative aux actions ».
Partant de là, il est tout à fait superflu pour un gérant de se questionner sur l’enchaînement des cycles économiques, les enjeux sociétaux et géopolitiques.
Petit à petit, les liquidités s’accumulent, dépassent les seuils autorisés par les mandats de gestion. Alors, à un moment que personne ne sait encore anticiper précisément (comme ce franchissement des 20.000 sur le DJIA qui a surpris tout le monde), il faut payer et suivre aveuglément le troupeau.
Vous disposez d’un clavier d’ordinateur, d’un écran tactile, d’une souris ? Cliquez sur la case « achat » qui apparaît en surbrillance… puis résolument sur la touche « valid ». Renouvelez l’opération autant de fois que nécessaire. Vous n’avez pas d’argent ? Aucun problème : empruntez-le, c’est gratuit… et prenez du levier !
Voilà, vous êtes devenu l’égal du gérant le plus affûté.
(Vous nous avez bien compris : surtout, soyez extrêmement prudent)