Le constructeur automobile japonais Nissan (T:7201), réuni lundi en conseil d'administration, étudie différentes options pour se doter de droits de vote chez son partenaire Renault (PA:RENA) et ainsi contrer l'influence de l'Etat français, envisageant selon des informations de presse de porter sa part à 25%.
"Le conseil d'administration de Nissan s'est réuni lundi après-midi au Japon pour discuter d'un ensemble de sujets, dont les droits de vote chez Renault", a annoncé le groupe de Yokohama.
Si Nissan n'a rien voulu dire sur "le contenu de la discussion", il semblerait, d'après le quotidien économique Nikkei, que la firme veuille "élever sa part dans Renault à 25% ou plus afin d'empêcher toute interférence du gouvernement français dans l'alliance".
Les groupes, tous deux dirigés par Carlos Ghosn, sont liés par des participations croisées: Renault détient actuellement 43,4% de Nissan. Ce dernier possède 15% du français.
Cependant, au titre de règles sur "l'autocontrôle" - une société en contrôle une autre lorsqu'elle détient au moins 40% de ses parts -, Nissan est privé de droits de vote à l'assemblée générale de Renault.
Or, explique le Nikkei, "en vertu de la loi japonaise sur les sociétés, Renault perdrait ses droits de vote de 43,4% s'il était détenu à hauteur d'un quart au moins par son partenaire japonais", lequel pourrait alors avoir voix au chapitre.
Ce scénario a été accueilli froidement mardi à la Bourse de Tokyo, où le titre de Nissan a fini en baisse de 1,93% à 1.289 yens, après avoir même chuté de 3,6% en séance.
- Opposition de l'Etat français -
"Investir davantage dans Renault est visiblement perçu négativement par le marché", a commenté Christopher Richter, qui suit le secteur automobile nippon chez la société de courtage asiatique CLSA. "Les compagnies françaises sont-elles des investissements fructueux?", s'interrogent ces donneurs d'ordres, jugeant que "le gouvernement français n'est pas intéressé par la rentabilité" et a ses propres priorités, notamment la sauvegarde des emplois en France.
"Nissan étudie une seconde option", a ajouté le quotidien nippon: "émettre de nouvelles actions pour diluer la part de Renault" et la faire passer en-dessous de 40%, mais cette opération réduirait aussi la part des autres actionnaires existants de Nissan.
Nissan a toutefois démenti un tel projet dans un communiqué émis après la clôture du marché.
"La meilleure solution serait que Nissan rachète certaines de ses propres actions à Renault", ce qui aboutirait au même résultat, estime M. Richter.
Mais plus que les investisseurs, Nissan va surtout se heurter à l'opposition de l'Etat français. "En aucun cas, nous n'accepterons que ces équilibres soient revisités", a prévenu récemment le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.
Le gouvernement a décidé au printemps de monter au capital de l'ancienne Régie nationale, de 15% à 19,7%, une manoeuvre qui lui a permis, lors d'un vote fin avril, d'imposer l'application de la loi "Florange". Cette loi récompense les détenteurs d'actions de long terme par l'octroi de droits de vote double.
"Cette montée au capital que nous avons voulue, ces droits de vote double que l'Etat a acquis, ils ne remettent en rien en cause l'alliance entre Renault et Nissan", s'est défendu M. Macron.
Il n'empêche que depuis cette date, les tensions se sont exacerbées. Nissan, qui domine désormais le duo alors qu'il était au bord de la faillite aux prémices de l'aventure en 1999, s'est dit "inquiet" de cette influence renforcée de l'Etat, et son directeur de la compétitivité, Hiroto Saikawa, a assuré vouloir "résoudre cette question dès que possible afin de pouvoir rétablir les bases d'une alliance fructueuse", qui se classe désormais au quatrième rang mondial en termes de ventes automobiles.