Après quatre mois de concertation, le patron d'Air France-KLM Jean-Marc Janaillac va dévoiler en milieu de semaine son projet stratégique, un plan préparé dans le plus grand secret et qui suscite autant d'espoirs que d'inquiétudes au sein du personnel.
Le dirigeant de la compagnie franco-néerlandaise, entré en fonction début juillet, tracera les grandes lignes de "Trust Together" (la confiance ensemble) mercredi en conseil d'administration, puis jeudi devant le comité central d'entreprise d'Air France.
L'objectif de M. Janaillac est double: "rétablir la confiance" en interne, minée par des conflits sociaux, et "répondre aux interrogations stratégiques auxquelles l'entreprise est aujourd'hui confrontée".
Le PDG d'Air France-KLM, dont l'État français détient plus de 17% du capital, planche notamment sur le rôle de la low cost Transavia, les alliances avec d'autres compagnies, l'avenir de la maintenance et la relation client.
Si, pour l'heure, l'entourage de M. Janaillac ne laisse rien filtrer de ses intentions, les débats se focalisent sur l'éventuel développement d'une activité low cost long-courrier.
"Force est de constater que certains concurrents se sont lancés, Lufthansa (DE:LHAG), avec Eurowings, n'étant pas des moindres", décrypte pour l'AFP Philippe Berland, expert en transport aérien chez Sia Partners.
"Il faut qu'Air France occupe le terrain", sinon "d'autres vont le faire et on va perdre le segment de marché", plaide Éric Chauvel, du syndicat de navigants Unac. La britannique easyJet (LON:EZJ), par exemple, "qui a commencé dans le low cost pur et dur, est aujourd'hui identifiée comme compagnie régulière, elle a travaillé intelligemment", dit-il.
Plusieurs options sont possibles : créer une low cost ex-nihilo, développer Transavia à l'international, s'associer à une compagnie déjà présente sur ce créneau ou en racheter une, hypothèse toutefois peu probable au regard des finances limitées d'Air France.
- Changement de gouvernance -
Sur le sujet, la direction pourrait néanmoins ne pas faire d'annonce ferme cette semaine, les décisions pouvant dépendre de négociations ultérieures avec les syndicats.
"Tout ne peut pas être verrouillé" après le CCE de jeudi, car "il faut qu'il y ait une sorte de digestion par le corps social", analyse un administrateur d'Air France, interrogé par l'AFP.
Les négociations avec les pilotes, auteurs d'une grève de deux semaines en 2014 contre le développement de Transavia, devraient débuter rapidement.
Mercredi, "on connaîtra le point d'arrivée" voulu par le PDG, pointe Emmanuel Mistrali, porte-parole du premier syndicat de pilotes à Air France, le SNPL. "La discussion portera sur le chemin que nous allons emprunter" pour y parvenir.
"On verra sur pied ce que donnera le projet", avec une vigilance sur "l'impact social" des "réformes structurelles" qui pourraient être annoncées, souligne de son côté M. Chauvel, de l'Unac.
La direction ne cache pas son souhait de poursuivre les efforts de productivité engagés dès 2012 lors du plan de restructuration "Transform", avec des objectifs certes plus limités.
Parallèlement à la présentation de "Trust Together", M. Janaillac devrait également remodeler la gouvernance de l'entreprise pour la rendre plus réactive, reprenant un souhait largement exprimé par les organisations syndicales.
"L'attente d'une organisation plus simple, plus fluide, plus coopérative, plus réactive, est évoquée, allant de pair avec un apport de sang neuf et d'idées nouvelles", écrit dans un rapport Jean-Paul Bailly, chargé d'une mission d'écoute auprès des syndicats d'Air France.
Frédéric Gagey, PDG du groupe Air France, pourrait être le premier à en faire les frais, selon des informations de presse. La présidence de la compagnie tricolore devrait échoir à Jean-Marc Janaillac qui nommera un directeur général à ses côtés.
Ce n'est "pas forcément une mauvaise chose" car la compagnie "a besoin de quelque chose d'un peu resserré, mais il reste à voir comment KLM, qui a des vélléités fortes d'autonomie, va accepter cela", remarque Béatrice Lestic de la CFDT.