A droite comme à gauche, plusieurs candidats inscrivent à leurs programmes le revenu de base, une proposition ancienne mais qui resurgit et se diffuse dans cette campagne présidentielle, sous des formes diverses.
"Il y a deux ou trois ans, cette idée était encore considérée comme une utopie", souligne Nicole Teke, coordinatrice internationale du Mouvement français pour un revenu de base (MFRB), organisation transpartisane.
A six mois de la présidentielle, l'utopie figure très sérieusement dans les programmes de Nathalie Kosciusko-Morizet (LR), Benoît Hamon (PS), Marie-Noëlle Lienemann (PS) ou encore dans ceux des deux finalistes de la primaire écologiste, Yannick Jadot et Michèle Rivasi.
Il y a 10 jours, une mission d'information du Sénat proposait d'expérimenter rapidement, "dans des territoires volontaires", différentes modalités d'un revenu de base et, signe des temps, le Premier ministre Manuel Valls a défendu jeudi son propre projet de revenu universel garanti.
Ce concept séculaire -les premières occurrences remonteraient même au XVIe siècle- vise à offrir à tous un revenu, sans condition de patrimoine ou de travail, sur une base permanente et cumulable avec un emploi. Mais il prend aujourd'hui des contours très variés, selon l'orientation idéologique.
"A droite, pour les plus libéraux, il s'agit surtout d'une simplification de la protection sociale, qui permet de faire des économies administratives et de laisser les individus faire leurs propres choix", résume Mme Teke.
D'abord guidée par une volonté de gagner en lisibilité dans un "système complexe qui nourrit des sentiments d'injustice", dixit un de ses porte-parole, NKM promeut un revenu de base fixé à 470 euros par mois à partir de 18 ans, entre 200 et 270 euros avant. Il serait constitué de la fusion de différents revenus comme le RSA et l'ASS pour les chômeurs en fin de droit.
Le financement de la mesure évaluée à 340 milliards d'euros s'effectuerait via la "flat tax", l'impôt à taux unique (entre 20 et 23,5%) versé dès le premier euro gagné, que souhaite mettre en place NKM pour remplacer l'impôt sur le revenu, et une augmentation de la CSG.
- 'Changement de paradigme' -
Du côté de Benoît Hamon, qui en a fait sa mesure-phare, on plaide pour un revenu de base de 750 euros par mois, mais à partir de 18 ans.
"A gauche, on perçoit plus le revenu de base comme étant émancipateur, capable d'éradiquer la pauvreté. C'est aussi un changement de paradigme par rapport au travail", décrypte Mme Teke.
Faisant le constat d'une société "où le travail se raréfie, où l'on produit de plus en plus de richesses avec de moins en moins de travail", M. Hamon voit dans son "revenu universel d'existence" un moyen d'obtenir plus de "liberté et d'autonomie". Par exemple, en faisant le choix d'un temps partiel plutôt que d'un temps complet pour s'occuper de sa famille.
"C'est aussi un filet de sécurité pour créer une entreprise", précise le député socialiste.
Pour financer son projet qu'il évalue à 300 mds d'euros, M. Hamon lance quelques pistes, comme la suppression de certaines niches fiscales, l'individualisation de l'impôt sur le revenu ou encore la fusion de certains des dix minima sociaux. Dans ce domaine, le candidat à la primaire de la gauche concède des incertitudes liées selon lui à la méconnaissance des effets du revenu de base sur le coût du travail et l'emploi.
Chez EELV, dont les militants ont voté dès novembre 2013 en faveur de la proposition, Mme Rivasi est la plus radicale en évoquant un revenu de base entre 800 et 1.000 euros, financé par une hausse de l'impôt sur le revenu. Yannick Jadot retient pour sa part un montant de départ de 524 euros, alimenté par une hausse de l'impôt sur le revenu et le patrimoine.
Si la proposition reste surtout portée par des candidats "outsiders" dans leurs camps, le débat n'en est pas moins ouvert. Et il sera nourri par les expériences fraîchement lancées, comme en Gironde depuis septembre.