Un an après, les plaies de la tragédie minière brésilienne restent ouvertes

Publié le 02/11/2016 07:56
Mis à jour le 02/11/2016 08:45
Le village de Bento Rodrigues, détruit après la rupture d'un barrage le 5 novembre 2015, près de la ville de Mariana (Etat de Minas Gerais - sud-est), le 26 octobre 2016 (Photo YASUYOSHI CHIBA. AFP)

Le village de Bento Rodrigues, détruit après la rupture d'un barrage le 5 novembre 2015, près de la ville de Mariana (Etat de Minas Gerais - sud-est), le 26 octobre 2016 (Photo YASUYOSHI CHIBA. AFP)

Dans une vallée brésilienne dévastée par un tsunami de boue après la rupture d'un barrage minier où 19 personnes ont péri, une vision incongrue: des panneaux montrent des ouvriers souriants sous le slogan "Communiquez de manière positive".

Ces panneaux émergent de la poussière soulevée par les camions et pelleteuses qui réparent le réseau de barrages et de digues où s'est produit cet accident, considéré comme la "pire tragédie environnementale de l'histoire du Brésil".

Mais, un an après la catastrophe de Samarco, une société détenue à part égales par deux géants miniers, le brésilien Vale et l'anglo-australien BHP Billiton, il y a peu de choses sur lesquelles communiquer.

La rupture du barrage le 5 novembre 2015, près de la ville historique de Mariana, dans l'Etat de Minas Gerais (sud-est), a libéré 32 millions de mètres cubes de boue et déchets miniers qui ont englouti le village de Bento Rodrigues, tuant mineurs et habitants.

La gigantesque coulée de boue s'est répandue sur 640 kilomètres jusqu'à l'océan Atlantique à travers le Rio Doce, l'un des fleuves les plus importants du Brésil, avec des conséquences désastreuses pour des milliers d'habitants, l'environnement et l'économie.

Samarco assure faire son possible pour surmonter ce qu'elle qualifie d'accident tragique. Mais les victimes et les procureurs brésiliens, qui ont inculpé 21 personnes des trois entreprises pour homicide en leur infligeant de lourdes amendes, racontent une autre histoire.

- Où sont les maisons ? -

L'engagement le plus important pris par Samarco est de reconstruire les villages de Bento Rodrigues et de Paracatu, une deuxième commune anéantie par la boue.

Toutefois, jusqu'à présent, aucune brique n'a été posée. Seule une plaque avec l'inscription "Nouveau Bento" se dresse au milieu d'une forêt qui abrite papillons, oiseaux et termitières, le lieu du futur chantier.

"Une année a passé et ils n'ont rien fait d'autre que d'acheter la terre", s'insurge Antonio Geraldo Santos, 33 ans, à l'issue d'une réunion avec des habitants sinistrés.

Alvaro Pereira de la Fondation Renova, un organisme crée par Samarco pour coordonner l'aide aux sinistrés, déclare que 8.000 familles riveraines du Rio Doce, dont beaucoup vivaient de la pêche ou du tourisme, reçoivent une indemnité d'urgence.

Mais ceux qui vivaient près du barrage quand il a cédé n'ont eu que quelques minutes pour courir et sauver leur vie. Ils ont donc tout perdu.

C'est le cas de 236 familles à Bento Rodigues, et 108 autres qui ont été déplacées à Paracatu, selon Renova.

M. Pereira attribue les retards de reconstruction aux longues consultations avec les villageois et les autorités.

"Beaucoup se demandent pourquoi cela n'a pas encore commencé", dit-il lors d'une visite avec la presse où les responsables de Samarco surveillent chaque mot de leurs employés.

"Mais il y a beaucoup de travail que vous ne voyez pas". La construction sera terminée début 2019, assure-t-il.

- Justice et emplois -

En revanche, des travaux frénétiques ont été entrepris pour renforcer un barrage qui retient un réservoir de déchets encore plus important que celui qui a cédé.

"Nous travaillons 24 heures sur 24, sept jours sur sept", affirme le responsable Eduardo Moreira.

Une légion d'ouvriers en vestes de travail orange creuse et pousse la terre et les roches pour soutenir la construction au milieu du va et vient des camions.

De plus petites digues sont construites plus bas pour s'assurer que les déchets charriés par les flots n'iront pas plus loin.

Un autre barrage pourrait-il se rompre ? "C'est pratiquement impossible", assure M. Moreira.

Samarco et ses propriétaires font face à une avalanche de procès, le parquet réclamant notamment 49 milliards de dollars de dommages et intérêts, sans parler des peines de prison potentielles pour les 21 cadres et employés accusés d'homicide.

Le procureur général du Minas Gerais, Guilherme de Sa Meneghin, accuse Samarco "d'user d'artifices" pour retarder chaque étape de la compensation financière.

Il explique que les victimes sont partagées entre un sentiment de colère envers Samarco et le souhait que l'entreprise reprenne son activité paralysée depuis la catastrophe.

"C'est une situation complexe étant donné que l'exploitation minière est l'activité principale du Minas Gerais (...) Ils veulent donc que Samarco rouvre", affirme M. Meneghin.

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